En 2006, Alcatel fusionnait avec Lucent, avec la bénédiction de l’Etat. Telle qu’elle fut présentée aux salariés d’Alcatel, cette fusion avait du sens. Il s’agissait pour Alcatel d’acquérir un groupe Américain dont le portefeuille de produits permettrait au conglomérat nouvellement créé de couvrir l’ensemble des marchés mondiaux. Cette fusion semblait répondre à une logique stratégique. Douze ans ont passé et la réalité est tout autre. L’acquisition par Nokia, en 2016, du groupe Alcatel-Lucent met un point final à des années de désindustrialisation avec des dizaines de milliers de postes supprimés, au pillage de technologies clés, et à de lourdes pertes financières.

Présentée comme un rachat de Lucent, la fusion de 2006 fut en réalité le moyen pour les Etats-Unis de mettre la main sur Alcatel, l’un des trois plus gros équipementiers télécom au monde, riche de ses milliers de brevets et en quête de débouchés aux Etats-Unis.

Dans cette enquête édifiante, Sébastien Brouiller nous plonge au cœur d’une bataille économique : au-delà du discours libéral de façade, cette fusion illustre de manière éclatante la volonté des Etats de maintenir les conditions de leur puissance économique et de veiller à la bonne santé de leurs champions nationaux considérés comme stratégiques. Que ce soit par des actions défensives et offensives, internes et externes, calculées et opportunistes, tout doit contribuer à préserver un avantage concurrentiel, des technologies vitales – et in extenso – la prééminence américaine par la projection du droit américain dans l’économie mondiale...

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