La mode, en tant que concept et phénomène social, est une création occidentale ; elle est, en outre, intimement liée à l’avènement, exclusivement occidental lui aussi, de sociétés fondées sur l’individu, qui se substituent progressivement aux sociétés traditionnelles, fondées elles sur le groupe ou la société tout entière. À partir de ce constat, Frédéric Monneyron propose une double réflexion, et d'une belle profondeur. D'abord sur les évolutions de la mode : il examine minutieusement ses origines socio-culturelles et son devenir jusqu'à nos jours, explore les divers contextes dans lesquels elle s'épanouit, analyse ses rapports avec les aspirations populaires, bref, dévoile l'ensemble des processus complexes qui gouvernent la pluralité des modes. Ensuite sur les évaluations de la mode : en effet, il en vient à étudier le discours qui cherche à évaluer les caractéristiques essentielles de la mode, en interroge le sens et la fonction. C'est ainsi que l'on découvre la philosophie du vêtement de Balzac, les réflexions sur l'élégance de Barbey d'Aurevilly, les analyses de Baudelaire sur l'art – ou l'artifice ? – de la mode. Sans oublier les sociologues (Tarde, Durkheim, König, Bourdieu,...), les économistes (Veblen), les sémiologues (Barthes), et la perspective des femmes sur la mode (Hollander, Steele). Mais ne nous y trompons pas : cet essai n'a rien d'une compilation ; il participe d'une réflexion fondamentale sur la sociologie de la mode et suppose un renversement de perspective – lequel implique de « poser le vêtement non plus comme élément second, accessoire, mais comme élément premier, fondateur, déterminant les comportements individuels comme les structures sociales ; puis de considérer, position encore plus iconoclaste, que non seulement il ne suit pas l'histoire mais qu'il la précède et que c'est peut-être même en parlant chiffon que commence tout changement social d'importance »...