• ISBN : 1245

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La pensée esthétique de Heidegger

Stéphan Vaquero

C’est dans le cours que Heidegger consacre en 1936-37 à Nietzsche sous le titre « La volonté de puissance en tant qu’art » qu’il entreprend une analyse circonstanciée de l’essence de l’esthétique, de son rôle dans la pensée occidentale et de sa relation à l’histoire de l’art. Il y affirme que c’est lorsque la réflexion sur l’art est mise en relation avec la sensibilité humaine que commence le déclin du « grand » art. Il reprend la même idée dans la Postface à la conférence qu’il a consacrée à « L’origine de l’œuvre d’art » en 1936, où il affirme que l’esthétique prend l’œuvre d’art comme objet de l’appréhension sensible ou expérience vécue, ajoutant que l’expérience vécue est peut-être bien l’élément au sein duquel l’art est en train de mourir. Et dans le paragraphe 77 des Beiträge zur Philosophie (Contributions à la philosophie), texte qui date lui aussi des années 1936-38, il explique que la question portant sur l’origine de l’œuvre d’art entretient le rapport le plus étroit avec la tâche qui consiste à surmonter l’esthétique, laquelle résulte nécessairement de l’explication historiale qu’il s’agit d’entreprendre avec la métaphysique comme telle.

Or c’est précisément cette alliance apparemment indéfectible entre esthétique et métaphysique qu’il est nécessaire selon Stéphan Vaquero de mettre radicalement en question. Il s’agit en effet pour lui d’entreprendre une « réhabilitation de l’esthétique » en montrant que, chez Heidegger, le sensible et le sentiment sont pensés non pas en fonction de la relation sujet-objet, mais à partir de leur caractère ontologique, qui fait d’eux des expériences de l’immédiate présence de l’apparaître. C’est donc à une lecture profondément renouvelée des textes que Heidegger a consacrés à l’œuvre d’art qu’il nous invite, en montrant qu’il s’agit de trouver en eux une pensée non métaphysique du sensible, de la sensibilité et du beau. Comme il l’affirme dans la conclusion, la critique heideggérienne de l’esthétique vise dans l’esthétique ce qui n’est pas elle, à savoir essentiellement la pensée métaphysique de la re-présentation, qui en fait une théorie de la médiation entre sujet et objet, alors qu’il s’agit au contraire de retrouver le caractère originaire de l’esthétique, qui est celui d’une épreuve immédiate de l’être telle qu’elle se donne à voir dans l’œuvre d’art. C’est donc une telle réhabilitation ontologique de l’esthétique qui constitue l’enjeu des quatre chapitres du livre, lesquels traitent chacun d’un aspect essentiel de l’expérience artistique.

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