La misanthropie, ou haine des hommes – de tous les hommes, ceux d'hier, d'aujourd'hui et de demain, des prochains et des lointains ! –, pose naturellement la question de sa légitimité : qu'ont donc les hommes de si haïssable ? Et s'ils le sont vraiment, pourquoi ne pas simplement les fuir, plutôt que de continuer à subir leur compagnie ? Pour répondre à ces questions, Tayeb Ainseba interroge la littérature, cherchant dans sa longue histoire les matériaux anthropologiques et scientifiques propres à alimenter sa réflexion et son effort conceptuel. En effet, véritable laboratoire de la pensée, la littérature propose un espace imaginaire propre à nourrir, en retour, notre compréhension du monde : c'est dans les romans dystopiques (c'est-à-dire le contraire d'utopiques) que Tayeb Ainseba ira puiser l'essentiel de ses analyses – chez Orwell, Boye, Zamiatine, Huxley, Levin, Tevis, mais aussi chez Shakespeare... Ainsi la mise en évidence des caractéristiques de la misanthropie dans le roman (fonctionnement en miroir, communisme sexuel, infantilisme, uniformisation des masses, etc.) permettent d'élargir et d'affiner notre compréhension de la misanthropie en tant que telle, qui, nous le découvrons ici, se dissimule sous de fort nombreux visages. Finalement, Tayeb Ainseba montre avec force dans quelle mesure la misanthropie nous oblige à interroger le mystère de ce qui fait de nous des êtres humains...